20/11/07

Phronèsis et citoyenneté chez Arendt : indications pour l’Europe en construction ?

Essence du politique et phronèsis: L'essence du politique, selon H. Arendt, implique l'exercice soutenu du jugement de phronèsis tant par les hommes politiques que par les citoyens. En ce sens, la construction de l'Europe exige éminemment, par l'ampleur de ses enjeux, l'exercice d'un tel jugement, à tous les niveaux, du simple citoyen aux gouvernants. A l'heure où les instances européennes adoptent une constitution pour l'Europe, il convient de formuler le plus précisément possible la signification et la portée de cette exigence pour circonscrire les conditions pratiques de sa réalisation, particulièrement dans le cadre de la construction de l'Europe. L'étude de la pensée arendtienne du politique, et plus précisément du jugement politique (exercice de la phronèsis), peut se mettre à l'épreuve des questions politiques prioritaires sur l'ordre du jour de nos démocraties. En pesant les conceptions arendiennes, le projet approfondira dans ses implications concrètes l'idée que le politique - s'entendant ici nécessairement dans son essence démocratique de rapports entre concitoyens libres et égaux - à mettre en oeuvre en Europe et en vue de l'Europe doit se comprendre comme espace public européen d'exercice de la phronèsis.

L'art et le politique: Les analyses d'Arendt suggèrent avec force la nécessité de l'art et de la culture pour la constitution et le maintien d'un monde commun, lieu et condition de possibilité du jugement politique (phronèsis), d'un espace public partagé par des citoyens agissant et échangeant des paroles, égaux en droits et affirmant leur singularité dans l'exercice d'une vie proprement démocratique. L'art et la culture, dans leur durée tout d'abord, incarnent la mémoire d'un monde commun, rôle essentiel dans une civilisation.
La question politique de l'exercice de la phronèsis (ou du jugement politique) rejoint ici une autre problématique très actuelle, celle de l'art contemporain. Pour poser la question brutalement, quel art contemporain peut remplir cette fonction d'assurer la réalité d'un monde partagé et de transmettre sa mémoire s'il n'y a plus d'oeuvres comme on le proclame assez souvent aujourd'hui ? Il s'agit ici d'une interrogation de philosophie de l'art et de la culture et c'est à une véritable phénoménologie et herméneutique de l'art qu'il conviendra de se livrer s'il l'on veut avoir la chance de répondre à la question. En d'autres termes, pour comprendre quelles sont les conditions de possibilité d'un monde commun européen, il faudra réexaminer l'héritage culturel à la fois commun et diversifié qui façonne une manière d'identité plurielle européenne, afin de comprendre sur quoi elle repose et d'évaluer plus précisément sur quoi elle pourrait encore reposer à l'avenir, à quelles conditions elle pourrait se renforcer et éviter de s'éparpiller, par exemple, à la suite d'un élargissement mal préparé auprès des populations citoyennes.

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